lundi 1 mai 2017

Maman



Notre mère, Gaétane St-Hilaire est née le 14 septembre 1927 dans le rang St-François de la paroisse de Lotbinière. Elle a marié notre père, Bruno Lauzé, en septembre 1956 et en se mariant à notre père, qui était veuf, elle adoptait ses deux petites filles Denise et Madeleine qui avaient 2 et 3 ans. Elle a eu ensuite 5 autres enfants avec Bruno; moi, Sylvie, Normand, Guylaine, Stéphane et Évelyne.
Elle n’avait pas peur des responsabilités et a toujours affronté les épreuves de la vie avec une force et un courage hors du commun.


Notre mère était une très bonne cuisinière. Elle fabriquait presque tous nos vêtements. À l’automne, on choisissait les patrons et tissus des vêtements que nous allions porter pour la période des fêtes et après les Fêtes, c’était la production des vêtements d’été qui commençait.
Elle savait tricoter. Elle faisait du tissage. Presque tout était recyclé chez-nous. Elle passait de grandes soirées d’hiver à tailler les vieux vêtements et draps en bandelettes qui allaient se transformer en catalognes, napperons, linges de vaisselle et tapis. Les vieux sacs de plastique ont même déjà été transformés en napperons de table. Les tissus plus épais, le beau Fortrel des années 70 en autre, était transformé en tapis.
La vie en ce temps là suivait le rythme du calendrier religieux. La date la plus importante de l’année pour notre mère était le 19 mars, le jour de la fête de St-Joseph. Cette fête n’était pas importante pour notre mère parce qu’il était le Saint Patron des charpentiers-menuisiers,  métier de notre père, et aller à la messe  n’était pas du tout au programme cette journée là. Le 19 mars, c’était la journée pour faire les semis de tomates!

Lorsque nous étions tous les sept à la maison, le 19 mars, maman démarrait son entreprise! On parle beaucoup de l’esprit d’entrepreneuriat et de d’autosuffisance depuis quelques années. Notre mère dans les années 70 gérait une entreprise maraîchère de la planification des semis à la mise en tablette. 
Lorsque nous étions tous à la maison, jamais nous n’avons mangé de légumes en conserve provenant de l’épicerie. C’était pareil pour les marinades.
Le 19 mars, des contenants de margarine recyclée étaient remplis de terre qui avait été stérilisée dans le four. Maman semait ses variétés de tomates, les recouvrait d’une pellicule plastique attachée avec une corde. Ces contenants placés sur le bord des fenêtres devenaient des serres miniatures. 
Quelques jours plus tard, les graines sortaient de la terre, mais au bout de quelques semaines ils étaient trop serrés dans les plats. C’était le temps du repiquage.

C’était maintenant des tables qui étaient utilisées pour accueillir les plateaux de plants dans des petits plats individuels. Quelques semaines plus tard, les plants commençaient encore à être un peu à l’étroit dans leurs pots. Il était trop tôt dans notre beau printemps québécois pour les planter en pleine terre dans le jardin.

Ils étaient alors encore une fois repiqués dans la «couche chaude». La «couche chaude», c’était une grande boîte de bois qui avait probablement  été fabriquée par notre père. Et, quand je dis une grande boîte, je ne suis pas très bonne en mesure, mais cette grande boîte était recouverte avec de très grandes fenêtres que notre père avait récupéré je ne sais où, mais ces fenêtres, appuyées sur des glissières de bois, il y en avait quatre il me semble, mesuraient au moins 6 pieds de haut par 3 pieds de large. 

La terre dans cette boîte était enrichie chaque année. Les fenêtres étaient fermées les premières semaines après la transplantation, ce qui, avec l’effet des rayons du soleil ramenait les plants à la douce chaleur d’une serre.  Lorsque les journées devenaient plus chaudes, maman ouvrait les fenêtres en milieu de journée et les  plants de tomates passaient encore quelques semaines dans cette boîte magique avant la transplantation au jardin dès que les risques de gel de juin étaient passés.


C’est ainsi qu’au début de juin, un soir ou notre père avait «le temps» de planter les piquets-tuteurs et faire les fosses de plantation, notre mère transplantait ses 150 à 200 plants de tomates dans le jardin!
Entre temps, elle avait semé ou repiqué en pleine terre dans le jardin, des laitues, des concombres, des petites fèves, des carottes, des petits pois, des oignons, des poireaux, des piments, des betteraves, des choux, des fines herbes...tout ce que vous pouvez imaginer qui peut pousser dans un potager!
Pendant que tout cela poussait, les fraises murissaient. Une année, elle avait vendu assez de fraises pour pouvoir s’acheter une balayeuse Électrolux. Comme elle était fière de cette réalisation! On en a fait des livraisons de fraises, à bicyclette, au village cet été là!
Quelques journées de sarclage et c’était les récoltes du potager qui commençaient.

Les concombres… nous étions neuf à la maison! Et certains d’entre nous étions de très bons consommateurs de concombres frais!
La récolte de concombre se déclinait chaque année en marinades de concombres tranchés, concombres sucrés, concombres salés, relish et les concombres à l’aneth bien sûr. Sans oublier les touts petits cornichons marinés.
Lorsqu’elle voulait ralentir la production, je pense, elle cueillait les concombres à environ 1 po de long! Elle passait des heures à brosser ces minuscules cornichons pour les laver et enlever les petits pics qui les recouvraient. Il y en avait plein l’évier de la cuisine! Elle les plaçait  méticuleusement en rangs serrés dans les petits pots avant de les mariner et prenait toujours soin d’en garder un pot pour l’exposition du cercle des Fermières. Ces petits cornichons étaient réservés pour le temps des fêtes et étaient offerts en cadeau pour la visite!
Tous les légumes du jardin étaient récoltés en abondance et nous en mangions en quantité familiale! Mais tous ces légumes étaient aussi mis en conserve!
Les petites fèves, cueillies, équeutées, ébouillantées, mises en pots Mason et ces pots étaient bouillis dans le grand chaudron, devaient  faire le POP confirmant la réussite du processus avant d’être entreposés dans le caveau à légumes.
Les jours de cueillette de petits pois, on étendait une grande couverture sous l’érable derrière la maison. Maman venait vider sa chaudière et nous écossions la montagne de petits pois dans nos plats Tuperware. Ensuite ils étaient eux aussi mis en pot Mason pour être mis en conserve.
Mais ce n’est pas tout, les tomates pendant ce temps, les 200 plants de tomates plantés en juin se sont chargés de fruits et fin août c’est la récolte la plus importante qui commence…les tomates!
La récolte des tomates se déclinait principalement en deux catégories : les tomates en pot et le jus de tomates!
Pour les tomates en pots, il fallait les ébouillanter dans un grand boiler sur le feu à l’extérieur, équeuter, peler, couper en morceaux, mettre dans les pots Mason, un peu de sel, on ferme le pot, faire encore bouillir, attendre le POP avant la descente au caveau. 
Pour le jus de tomates, les tomates entières équeutées passaient dans l’extracteur à jus. Le jus coulait dans de grands chaudrons, pendant que la pelure et les graines ressortaient au bout de la vis sans fin. Il fallait ensuite faire bouillir ce jus, le mettre en bouteilles ou en pot, POP, POP, POP et en route pour le caveau.
C’était des centaines de pots Mason qui prenaient le chemin du caveau aux légumes pendant toute la période estivale. Le caveau aux légumes chez-nous à l’automne c’était la réserve de légumes pour tout l’hiver pour une famille de neuf personnes et rien ne faisait plus plaisir à maman que de donner à la visite des pots de son inventaire de conserve.
Notre mère s’occupait de toutes ces tâches souvent en chantonnant de vieilles chansons, mais elle se permettait aussi de modifier certaines paroles de chansons populaires à l’époque.
La chanteuse Chantal Paris, dont elle trouvait qu’elle avait de très grands yeux, avait une chanson qui disait :
«Quand je me lève déjà tu n'es plus là, moi je m'ennuie de toi. J'essuie mes yeux et je replie les draps»
La version de maman : «Quand je me lève déjà tu n'es plus là, moi je m’ennuie de toi. J’essuie mes yeux avec le plus grand drap, moi je m’ennuie de toi…»
Sa parodie de la chanson Le Blues du Businessman lorsque Claude Dubois a eu des problèmes de drogue, était encore un peu plus sarcastique : «J’aurais voulu être un artiste pour pouvoir faire mon numéro» maman continuait ainsi :
«Mais j’ai vendu trop de hachisch, j’me suis ramassé à Bordeaux!» Excusez-la M. Luc Plamondon!
Tous ceux qui t’ont connu, maman, se souviendront toujours de ta bonne humeur et de tes éclats de rire contagieux. Des repas pour des tablées d’une vingtaine de personnes et plus, on a vu ça souvent. La visite tu savais comment la recevoir!
Tes petits enfants savaient toujours ou était le plat de biscuit quand ils arrivaient à la maison. Nous tes enfants savions que nous pouvions compter sur toi pour nous écouter et dédramatiser nos soucis.
Maman tu nous as toujours donné le meilleur de toi-même.
Nous portons tous une partie de ta force, de ton courage, de ta créativité
et de ton sens de l’humour!
De nous tous et de tous ceux qui font partie de nos vies.
TU VIVRAS TOUJOURS DANS LE CŒUR DE CHACUN DE NOUS.
MERCI MAMAN…
Ta fille Mado, tes petits-fils Maxime et Victor;
Ta fille Sylvie, ton petit-fils Adrien, ton arrière petit-fils Baptiste et ta future petite-fille;
Ton fils Normand, ta petite-fille Maegan et ton petit-fils Terry;
Ta fille Guylaine, tes petits-fils Ludovic, Anthony et ta petite-fille Doriane;
Ton fils Stéphane, tes petits-fils Jérémy, Thomas et ta petite-fille Frédérique;
Ta fille Évelyne, ta petite-fille Laurie et ton petit-fils Félix.

Texte composé et lu par Sylvie aux funérailles de Gaétane St-Hilaire
Église de Saint-Louis de Lotbinière, le 30 avril 2017

2 commentaires:

  1. Je me rappelle de som accueil, toujours un non plat à nous faire découvrir... sa passion, son jardin. À ce jour je ne mange pas une "ptite fève" sans penser à elle. Elle fut une tante formidable, elle devait être une mère extraordinaire... elle vous a transmis sa passion.

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